DE L'HORRIBLE DANGER DE LA JEUNESSE.

Publié le par Sétoc

 

   La crise sociale ivoirienne, débutée en 1990, à laquelle s'est associée la crise du 19 septembre 2002, a mis les populations toutes entières dans une situation inédite. Au moment même où cette population semblait régresser dans l'action pour le pays, où la corruption devenait une activité de routine, ces crises n'ont fait qu'intensifier la situation. Aujourd'hui, La jeunesse ivoirienne, qui constitue la majorité de sa population, est, comme dans tous les pays, la relève future : son activité et sa détermination sont des indices sur l'avenir du pays, elle doit évoluer dans une optique uniforme qui doit aller dans la direction du progrès global et individuel. Devant cette déchéance, il est temps de s'interroger sur les maux d'une jeunesse active.



    La trajectoire des jeunes ivoiriens a largement varié en moins d'un demi siècle; elle est passée de l'esprit de travail, et de la détermination, à celui du laxisme et de la corruption; ils sont tournés vers le désintérêt pour la nation, non par leur volonté propre, mais par la tendance collective qui agit sous divers  aspects au sein de cette population. La crise de 2002 a
marqué un tournant crucial dans cette métamorphose, au point que la jeunesse passée, aujourd'hui vieillie, voit un recul des valeurs morales.


    Le phénomène débute dans les années 1990, avec l'intégration des étudiants dans les affaires politiques, marquée par des grèves, des protestations, des revendications en faveur d'un regard assez favorable du gouvernement sur leur situation dommageable. On assiste alors à l'apparition de la Fédération des étudiants et élèves du pays (ou  F.E.S.C.I.), qui a participé, pour beaucoup, à l'affirmation collective de ceux-ci, et permis, en fin de compte, de s'imposer comme un mal dans l'école ivoirienne. Tout le monde est  unanime pour dire que ce mouvement de F.E.S.C.I. est un handicap national. Mais comment un syndicat scolaire, légitime et bon pour ses sympathisants peut-il devenir un poison de haute toxicité? C'est là une caractéristique de la déchéance dont on a parlé.


      Après le succès de sa formation, les membres de ce syndicat ont cru voir en leurs actions un moyen pour gouverner ou pour dominer; ils n'ont pas compris qu'en matière de revendication il est bon de faire la part des choses entre les intentions syndicales e t les devoirs personnels, entre le respect de l’autorité et celui de l’engagement ; ils ont usé de l'influence qu'il gagnaient au fil des revendications pour s'imposer comme dictateurs dans tous les établissements qui ont vu en leur sein leur instauration. En moins d'une décennie d'existence, ce mouvement est arrivé aux machettes et à la hache; une génération d'intellectuels se comportant comme des guerriers du 14è siècle (Encore qu'au 14è siècle c'était des guerres entre nations ou entre tribus). Les élèves de jeune âge , membres de ce syndicat, ont vu en celui-ci un véritable moyen d’oppression  aussi bien sur les administrateurs des établissements que sur les élèves eux-mêmes, au point que pour demander un congé anticipé illégal, on lance des cailloux, on installe le désordre, on arrête les cours (Lycée moderne Abobo, décembre 2009); pour dire à un élève " fais le rang! ", on le brutalise, on l'intimide par des menaces (Terminus des bus). Un sondage auprès des élèves et étudiants donnerait pour la fédération 1 sur 50 (l'un étant lui même du syndicat). Ils ont crée une culture du gain par la force et par la violence, ils ont réduit leur esprit et celui des élèves à la sauvagerie et à l'iniquité. La politique, menée par H. K. Bédié de 1993 à 1999, qui voulait l'éradication de la F.E.S.C.I. a été interrompue et s'est soldée par de nombreuses manifestations et perturbations sociales tellement ses membres sont récalcitrants. Cette politique était fondée sur la volonté du gouvernement d'alors de voir disparaître un syndicat qui a jeté le discrédit sur la réputation de l'école ivoirienne. On créa à cet effet une unité de la police appelée Brigade Anti Émeute (ou B.A.É.) aux agents de laquelle ont servi de logis des cités universitaires entières; des arrestations et des procès contre des responsables de F.E.S.C.I. dans diverses villes à l'intérieur du pays, des universités clôturées pour mieux dissuader les émeutiers, etc. Cette période a été très trouble pour le syndicat qui n'a toutefo is pas diminué son zèle initial, mais l'a plutôt amplifié. Depuis les années 2000, après l’éviction du président Bédié, ce mouvement a fait son grand retour de terreur dans les établissements scolaires et universitaires. Devenus de plus en plus sanguinaires et impitoyables, ses membres ont, à partir de septembre 2002, complètement abandonné le projet initial de défense des droits scolaires et estudiantins pour s'armer et former une milice nationale à caractère politique occupant ainsi le même rang que le M.P.C.I.1 et le M.P.I.G.O.2. Sous l'autorité du président Laurent Gbagbo, qu'on accuse souvent d'inactif face à la fédération, celle-ci est devenue incontrôlable, sévissant hors des établissements scolaires, dans les gares, les cités universitaires, et les marchés; se tuant entre eux comme le montrent les événements de Daloa en 2009, et tuant ceux qui s'opposent à eux. Ce fut le cas en 2007 avec la LIDHO. "Régnant sans partage sur l’université, la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire est critiquée pour sa violence et ses pratiques douteuses.  L’organisation a beau avoir mis de l’ordre dans ses rangs, elle continue à faire peur"+.


mafia

     Le stade que cette structure a atteint aujourd'hui est irréversible, mais le bilan le plus marquant et le plus sombre est l'impact de ses actions et de sa réputation sur la postérité, ou même sur les contemporains. L'esprit d'une fraction d'élèves aujourd'hui est subjugué par ce syndicat, ils recrutent au fil des années et accroissent leurs effectifs, ils ne reculent pas.


    L'opinion publique  doit s'interroger sur les causes qui ont fait de ce mouvement ce qu'il est de nos jours; il est un des aspects les plus défigurant de l'image de la jeunesse ivoirienne. Si ses membres fondateurs sont les initiateurs de ce que nous voyons aujourd'hui, la population toute entière y a sa part de responsabilité: d'abord les éducations scolaire et familiale n'ont pas su conjuguer leurs enseignements pour donner de la valeur aux enfants devenus malfaiteurs et criminels, d'autant que l'éducation familiale est relative, et la scolaire non rigoureuse. Ensuite, les responsables et administrateurs politiques ont soit sous-estimé, soit

forgé le mouvement pour qu'il soit parmi les forces décisives de la Côte D'Ivoire, et destructeur de l'école. Ils sont les coupables majeurs dans cet événement obscur. Les élèves et étudiants dominés n'osent pas lever le petit doigt quoiqu'en nombre largement supérieur,  parce que c'est une véritable terreur la F.E.S.C.I.


    Dans la vie quotidienne, le syndicat des élèves est considéré comme limité dans ses actions, aux établissements scolaires. C'est pourquoi elle ne peut à elle seule définir et justifier l'état d'esprit de

la jeunesse de Côte D'Ivoire, d'autres aspects de la vie entrent en ligne de compte.


    Le succès ivoirien en cette première décennie du 21è siècle, se trouve dans les fêtes et la distraction de grande envergure; l'avènement d'endroits appelés (à tort) maquis a privilégié chez la jeunesse active, un dédain pour le travail, et un amour pour les rires et les banquets et la facilité.


     En effet, depuis 2002 date du début de la crise militaire et politique, on a assisté à une explosion de problèmes sociaux tels que le chômage à grande échelle, et la pauvreté, qui existaient depuis bien longtemps. Certains ont dit qu'ils ont apporté la joie ou tout autre chose capable de distraire la jeunesse, telles que la musique des D.J. Les concepteurs qui ont dit cela sont les créateurs d'une tendance musicale qu'on appelle bizarrement Coupé-Décalé; leur défunt chef de file Doukouré Stéphane ou Douk Saga, disait qu'il avait, par son concept, rétabli la joie en Côte D'ivoire, et personne n'a osé dire que le monsieur se trompait. Douk Saga et sa bande n'ont pas résolu le problème des ivoiriens, ils ont tout simplement réussi à endormir leur esprit afin que ces derniers aiment leur concept en oubliant un tant, soit peu leurs soucis quotidiens. Cette réussite des Boucantiers (comme on les appelle) montre, au demeurant, la faiblesse d'esprit  des ivoiriens. Ils sont plus sensibles à l'ambiance qu'à la réflexion, à la distraction qu'au travail. L'apparition des bouca ntiers tout comme leur soudaine disparition a fait un effet de bombe parce qu'il ont su dominer les préoccupations premières des jeunes, savoir le travail quotidien. Si la distraction est utile et normale, les ivoiriens ont ajeunesse en fêteu-dessus de leurs priorités mis la fête et l'amusement au point qu'il ont littéralement été éblouis par le show. Désormais, les maquis sont des endroits rentables et de véritables entreprises. En moins d'une décennie, on a ouvert des milliers de maquis à travers le pays, auxquels on doit ajouter les boîtes de nuit et bars climatisés. Rien qu'à Yopougon, on dénombre aujourd'hui plus de 1500 maquis et cette commune abidjanaise bat le record n ational. 


    En général l'excès devient nuisible; la prolifération des structures à caractère festival a été un moyen d'investissements juteux pour certains: les concerts se multiplient, les activités festives de la RTI3 s’accumulent, la fête de la bière organisée depuis peu à Yopougon, J.C.S.4 production avec ses nombreuses séries et ses concours bizarres, etc. Tous les moyens de distractions ont permis aux jeunes de se tourner plus vers l'amusement que vers la rigueur, au point de chercher maintenant à vite avoir de l'argent ou du boulot qu'à bien travailler pour être rémunérés.


     Le problème de la rémunération et du travail est un fléau pour la jeunesse (urbaine) de Côte D'Ivoire. La crise de 2002 a entraîné la fermeture de bon nombre d'entreprises et P.M.E. Les jeunes diplômés, d'une part et les non diplômés mais actifs, de l'autre, sont confrontés aux mêmes difficultés. Tous cherchent de l'emploi, ceux qui n'en trouvent pas, trouvent cependant des responsables à leurs malheurs, et ceux qui en obtiennent sont pour la plupart des corrupteurs. Ces derniers sont en outre les responsables d'une situation dangereuse puisqu'ils montrent que leur exemple est le seul moyen d'avoir du boulot. En effet, avoir du travail en Côte D'Ivoire est devenu un problème d'argent et non de compétence. Les concours directs d'accès à la fonction publique sont payants, et les sommes partent de quelques centaines de milliers de francs C.F.A. à plusieurs millions, selon l'importance du boulot envisagé. Les jeunes gens dynamiques ou non, tablent désormais sur leurs capacités financières; ils ne manifestent aucune revendication contre ce phénomène, mais une fois de plus ils suivent la tendance. Bonne ou mauvaise tout est bien. Les exemples se multiplient mais un aperçu peut éclaircir l'idée que nous nous faisons sur la jeunesse actuelle.


     Les sources présidentielles++ prévoyaient une projection démographique  d'environ 18 millions d'habitants en l'an 2000. 48,2 % de la population  âgée de moins de 14 ans. La tranche d'âge des 15-64 ans représentant 49,3 %. Les plus de 65 ans seulement 2,5 % .Ces sources montrent que la jeunesse ivoirienne est une grande portion de la population du pays. Elle doit avoir un esprit ferme et stoïque, de grande valeur. Jusque là tous les exemples ci-dessus cités montrent que cette jeunesse n'a pas encore la culture de la responsabilité; elle s'accorde avec toutes les situations qui dominent le pays, elle arrive à vivre avec la F.E.S.C.I., suit les dis trayeurs dans l'ambiance, et les corrupteurs dans la corruption. Un éveil des consciences s'impose pour changer le cours de l'histoire de la nation entière.

 


   

NOTES ET RÉFÉRENCES 

 

1 Mouvement patriotique de Côte D'Ivoire, mouvement armé créé en 2002, revendiquant le coup d’état manqué, il était dirigé par G. Soro actuel premier  ministre.


 2 Mouvement populaire ivoirien du grand ouest, faction rebelle ayant    menée l'offensive à l'ouest du pays, se distinguant du M.P.C.I. à ses origines, il finit par s’y allier. Son fondateur fut Félix Doh.


3 Radiodiffusion télévision ivoirienne, chaîne nationale qui organise tous les ans une panoplie d’émissions dites de vacances, à caractère plus lucratif que culturel. Elle est une des chaînes africaines les plus nulles en termes de programmes, et son audience est faible. Un sondage effectué sur une période de trois semaines par un bloggeur d’Orange ci a donné 600 avis sur 600 contre les programmes de cette chaîne que les ivoiriens ne doivent plus suivre.


4 John Chain Sombo, militaire et fondateur de la maison de production qui porte les initiales de son nom J.C.S. production. Il organise des casting de grande envergure pour mener les jeunes à la débauche pour certains, à la timide popularité pour d’autres. Ces films et ses jeux concours ne sont d’aucun profit pour la jeunesse, il la distrait et la rend envieuse.


 + En mai 2007, les locaux de la Ligue ivoirienne des droits de l’homme (LIDHO) ont été saccagés par la F.ES.C.I., parce qu’ils ont servi de salle de réunion aux professeurs d’universités alors en grève. Voir Jeune Afrique numéro 2568 pour la citation; site web: www.jeuneafrique.com

 

++ Archives de la présidence de la République site web www.cotedivoirepr.ci

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